Page 39 - En chemin vers Hachem

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histoire n°
2
J’étais K.O, absolument hors circuit, déconnectée. Je ne comprenais plus
rien.
Lorsque mes parents sont arrivés, ils m’ont enlacée, embrassée, et ils ont
pleuré sans pouvoir s’arrêter. Mais moi, je restais sans réaction, comme un
robot !
Je crois que je me suis sentie comme une automate alors, sans réflexes,
sans le moindre sentiment, emplie seulement d’un gigantesque point
d’interrogation au fond du cœur.
J’avais une vie merveilleuse, un copain adorable, une famille géniale,
des amis extras, et soudain, en quelques secondes, parce qu’un pneu
avait explosé, je me retrouvais sans copain, avec des blessures partout –
certainement graves d’après les médecins –, des amis estropiés eux aussi, et
un goût amer dans la bouche comme si le malheur avait pénétré chacun de
mes organes, telle une encre noire qui se répand sur un poème magnifique
et efface tout en un instant !
Mes amis survivants s’en étaient à peu près bien sortis : des fractures pour
la plupart, l’un dut subir une opération du dos, ce fut le cas le plus grave les
concernant. Quant à moi, je n’arrivais plus à marcher.
Les médecins demandèrent à parler à mon père, et quand il revint à mon
chevet, je vis qu’il n’était plus le même homme. Je ne savais pas encore
pourquoi.
Mais au fond, peut-être que si… je le savais déjà.
Quelques jours plus tard eut lieu l’enterrement de Stéphane, ainsi que la
funeste annonce que je ne pourrais sans doute plus jamais marcher.
Le désespoir envahit notre maison. Les coups de téléphone n’arrêtaient pas,
mais mes parents ne répondaient qu’à la famille proche en leur demandant
de donner des nouvelles aux autres ; ils n’avaient pas les forces de faire
davantage.
J’ai tenu à assister à l’enterrement. Mes parents m’y ont conduit en fauteuil
roulant. Je connaissais les parents de Stéphane et être témoin de leur douleur
m’était insoutenable. On s’est embrassé, on a pleuré, on a fait des éloges
funèbres sans fin tellement on l’aimait. C’était vraiment un garçon bien