Page 23 - Livre Une vie de Femme - edition 1 - 2013

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l’épanouissement
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« Eh bien, si ma mère me voyait dans cet état ! »
Le désordre et les tâches que tu dois accomplir sont comme un doigt
accusateur pointé en ta direction. Tu fermes les yeux, tu essaies de fuir
la réalité, et alors tu revois la maison de ta grand-mère et ses draps
amidonnés, et tu te souviens de l’odeur de son délicieux gâteau qui sortait
du four. Puis, ce sont les effluves de la soupe de légumes que ta maman
cuisinait qui se promènent entre les étagères soigneusement époussetées et
l’argenterie astiquée.
C’est sûr, tu te trouves à des années-lumière d’elles… Difficile de croire
que tu es une descendante directe de ces femmes vertueuses ! Tu ne leur
arriveras jamais à la cheville !
Vraiment ?
La conscience de Mikhal la tourmente après le moment épuisant du
coucher des enfants qui s’est terminé par des réprimandes et des petits yeux
larmoyants. Un lointain souvenir ressurgit : une petite chambre, le rideau
vole au gré du vent… La petite Mikhal est emmitouflée dans une épaisse
couverture.
« En fin de compte, ce n’est pas si loin », murmure-t-elle, comme si elle
sentait de nouveau le doux contact de la couverture avec laquelle sa
mère l’enveloppait. Elle entend à nouveau les histoires captivantes qui la
transportaient loin, loin…
Etais-je plus gentille que mes petits enfants ? Moins turbulente ? Plus
obéissante ? Elle se pose la question, mais en connaît déjà la réponse. Elle
n’était pas plus sage, c’était juste l’infinie patience de maman qui rendait
ces instants toujours agréables. Ses doigts composent le numéro familier.
A l’autre bout du fil, sa mère répond, avec toute la patience du monde :
« Comment as-tu réussi, maman ? Comment as-tu été capable de t’asseoir
chaque soir, avec chacun de nous, durant un long moment ? Comment