Page 26 - En chemin vers Hachem

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récits
Puis un beau jour, ma mère – malgré sa maigreur, son foulard et ses
angoisses – décida de retrousser ses manches et de préparer ma
Bar-Mitsva
.
Elle m’inscrivit au
Talmud Torah
. Elle y tenait vraiment et, bien sûr, je ne
lui aurais rien refusé ! Elle passait des heures au téléphone pour commander
le traiteur, la salle, l’orchestre, etc., tout en s’affairant à confectionner un
tas de petits fours pour le
Kiddouch
.
Nous étions tous ébahis de la voir tellement énergique malgré les traitements
épuisants qu’elle endurait, et soudain si joyeuse et pleine de vie. Et tout ça,
juste parce qu’elle préparait la
Bar-Mitsva
de son fils aîné ! Sa mère, ma
grand-mère, s’en inquiétait grandement et la suppliait de se ménager en
déléguant toute l’organisation, mais maman ne voulait rien savoir : elle
s’occupait de tout, en chef d’« entreprise » investi et motivé.
La fête fut une véritable réussite, mais elle fut aussi, pour tous ceux qui
étaient présents, un évènement extraordinaire, une magnifique leçon de
morale, qui resta gravée dans les mémoires, même après plus de 30 ans.
Tous nos proches connaissaient la situation. Ma mère aurait pu choisir de
vivre cet évènement en stricte intimité, afin de ne pas subir de questions ou
de regards compatissants, mais elle fit fi de sa souffrance pour se donner
entièrement à ceux qu’elle aimait plus que tout : ses enfants.
Elle accueillit les invités avec mon père, qui avait retrouvé des forces
depuis la métamorphose de ma mère. Tous deux postés à l’entrée, ils
reçurent chacun avec un sourire authentique et une joie véritable dans
le cœur. Ma mère se conduisit comme une reine, digne et éblouissante.
Elle avait tout mis de côté, sa maladie et son désespoir, pour redevenir
une maman rayonnante, au point de nous faire oublier sa maladie le temps
d’une soirée. La joie inondait la salle, nous étions heureux. Des
Rabbanim
prononcèrent des paroles de Torah tout en adressant des louanges à mes
parents exceptionnels, les larmes coulèrent à flots, personne n’aborda le
sujet, mais tous constatèrent l’incroyable abnégation de ma mère. Sans
discours, sa conduite nous offrit le meilleur exemple d’amour de l’autre.
Le temps passa et grâce à D.ieu, ma mère guérit. Petit à petit, nous
retrouvâmes une vie normale et heureuse. Toutefois, nous gardions en nous
une force et une profondeur que seules les personnes ayant traversé une
telle épreuve peuvent ressentir.